Paris, le 2 juillet 2018 :

Le Conseil supérieur des programmes vient enfin de rendre publique la liste des groupes d’élaboration des projets de programmes du futur lycée. En sciences économiques et sociales (SES), les enseignant.e.s de lycée ne représentent qu’un quart des membres, et les femmes pas même un tiers. Parmi les 4 économistes, deux représentent l’Académie des sciences morales et politiques, dont la section économie est quasi exclusivement composée de représentants patronaux.

Le nouvel enseignement « d’Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques » apparaît quant à lui déséquilibré, avec une inspection de SES absente du groupe alors que celle d’Histoire-géographie est très représentée, et seulement deux enseignant.e.s de SES contre 5 pour l’histoire-géographie.

Quelle place à l’expertise des enseignant.e.s ?

En SES, le groupe de 16 membres ne comporte que 4 enseignant.e.s. de lycée, contre 8 universitaires, 3 inspecteurs généraux ou régionaux et une enseignante de classe préparatoire. L’APSES rappelle que tout groupe d’élaboration des programmes devrait être composé au moins pour moitié d’enseignant.e.s de terrain : une nécessité pour construire des programmes réellement accessibles à des élèves de 15 à 18 ans.

Avec seulement 5 femmes sur 16 membres, une femme sur 8 universitaires, et aucune femme parmi les 4 co-pilotes du groupe, l’absence de parité est également criante. Alors que les programmes de SES doivent permettre d’expliquer aux élèves la construction des inégalités entre les femmes et les hommes, cette composition fait… mauvais genre.

L’Académie des sciences morales et politiques place deux économistes : menace pour le pluralisme

Enfin, parmi les 4 économistes universitaires, deux représentent l’Académie des sciences morales et politiques, dont la section économie, composée quasi exclusivement de dirigeants patronaux (Michel Pébereau, Yvon Gattaz, Denis Kessler…), s’illustre depuis plus de 10 ans par des rapports à charge contre les SES.

En 2008, c’est ainsi Pierre-André Chiappori, qui s’offusquait qu’un manuel de SES ose présenter les limites du financement par les marchés financiers, alors que l’ « on [savait], depuis les travaux d‘Arrow et de Debreu, qu‘en l‘absence d‘asymétries d‘information, des marchés financiers complets peuvent réaliser une allocation efficace des risques entre les agents ». Tout cela écrit quelques semaines avant la faillite de Lehman Brothers et la propagation de la crise des subprimes…

En 2017, c’est Georges de Menil qui coordonnait le rapport de l’Académie jugeant l’enseignement de SES « néfaste » et préconisant de le recentrer sur l’étude de l’économie de marché et du fonctionnement de l’entreprise, affirmant que la microéconomie était le « domaine où le savoir est le mieux fondé et où un large consensus est plus facile à réaliser qu’en macroéconomie. »

L’APSES dénonce la représentation de l’Académie des sciences morales et politiques au sein du groupe d’élaboration des programmes. Les contenus d’enseignements ne doivent pas faire l’objet de manipulation partisane. L’APSES sera particulièrement vigilante à ce que le pluralisme soit à l’inverse le principe essentiel de construction des programmes :

– pluralisme des sciences sociales (économie, sociologie, science politique…) qui doivent être associées pour éclairer les problématiques économiques et sociales contemporaines ;

– pluralisme des théories et des courants de pensée au sein même de chaque science sociale. En particulier, la dimension économique des programmes ne saurait se réduire à la micro-économie, les questions macro-économiques devant garder elles aussi toute leur place.

Ce pluralisme est un impératif pour permettre une réelle appropriation par les élèves des termes des différentes controverses au sein des sciences sociales et ceux des débats démocratiques qui traversent monde contemporain.

Une nouvelle spécialité « Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques » déséquilibrée

Quant à la nouvelle spécialité « Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques », qui relève en partie de la qualification disciplinaire des enseignants de SES, l’APSES s’interroge sur l’absence de l’Inspection générale de SES alors que celle d’Histoire-géographie co-pilote le groupe, et sur la présence de seulement deux enseignantes de SES dans un groupe comptant 17 membres L’APSES rappelle sa demande que cet enseignement fasse l’objet d’un cadrage national actant une répartition claire et égalitaire des programmes et des horaires entre l’histoire-géographie-géopolitique d’un côté, et la science politique de l’autre.

La nécessité d’une véritable concertation

Face à l’ensemble de ces inquiétudes, l’APSES rappelle l’impérieuse nécessité d’organiser une véritable concertation lors de la publication des projets de programmes. La précipitation dans laquelle est conduite la réforme du lycée et l’opacité dans les critères qui ont prévalu à la constitution des groupes de confection des programmes ne doivent pas conduire à sacrifier la qualité de programmes qui ont vocation à former les nouvelles générations pendant une dizaine d’années.

Contacts :

Erwan Le Nader, président : erwan.le.nader@gmail.com – 06 30 35 59 71

Clarisse Guiraud, vice-présidente : clarisseguiraud75@gmail.com – 06 20 85 95 60

Sophie Loiseau, co-secrétaire générale : sophieloiseau1@gmail.com – 06 23 40 65 53

Igor Martinache, co-secrétaire général : igor.marti@laposte.net – 06 98 81 67 47

Patricia Morini, co-secrétaire générale : patricia.morini@laposte.net – 06 82 08 61 95

 

Annexe – Composition des groupes d’élaboration des projets de programme

« Sciences économiques et sociales »

Philippe AGHION, professeur au Collège de France, chaire d’Économie des institutions, de l’innovation et de la croissance, Paris (copilote du groupe)
−Pierre-André CHIAPPORI , professeur au département de science économique, Université Columbia, New-York, États-Unis

Julien DAMON, professeur associé au master urbanisme de Sciences Po, Paris

Muriel DARMON, sociologue et directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), présidente de l’Association française de sociologie, Paris

Georges DE MENIL, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Paris
− Nuria FERNANDEZ CALLEJA, professeur de sciences économiques et sociales, lycée Albert SCHWEITZER, Le Raincy
− Jérôme GAUTIÉ , professeur des universités en sciences économiques, Université Paris I Panthéon Sorbonne, Paris

Antonello LAMBERTUCCI, inspecteur d’académie – inspecteur pédagogique régional de sciences économiques et sociales, académie de Créteil

Pierre-Michel MENGER, professeur au Collège de France, chaire de Sociologie du travail créateur ; directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Paris (copilote du groupe)

Marc MONTOUSSÉ, inspecteur général de l’Éducation nationale, groupe Sciences économiques et sociales (copilote du groupe)

Sandrine PARAYRE, professeur de sciences économiques et sociales, lycée Victor HUGO, Marseille

Marc PELLETIER, inspecteur général de l’Éducation nationale, groupe Sciences économiques et sociales (copilote du groupe)

Pascal PERRINEAU, professeur des Universités en science politique, Sciences Po, Paris

Solène PICHARDIE, professeur de sciences économiques et sociales, lycée Maurice UTRILLO, Stains

Jane RASMUSSEN, professeur de sciences économiques et sociales en classes préparatoires aux grandes écoles (lettres supérieures, lettres et sciences sociales), lycée LAKANAL, Sceaux

Gilles ROBERT, professeur de sciences économiques et sociales, lycée DESCARTES, Rennes

« Histoire géographie, géopolitiques et sciences politiques (classes de première et terminale) »

Marion BEILLARD, inspectrice d’académie – inspectrice pédagogique régionale d’histoire géographie, académie de Versailles
− Tiphaine COLIN, professeur de sciences économiques et sociales, lycée Charles BAUDELAIRE, Roubaix
− Catherine DE CRÉMIERS, professeur d’histoire géographie, lycée HOCHE, Versailles
− Lorraine DE MEAUX, professeur d’histoire géographie, lycée FÉNELON, Paris
− Gil DELANNOI, directeur de recherches, Sciences po, Paris
− Monique DOGUET, professeur d’histoire géographie, lycée Saint Louis – Saint Clément, Viry-Châtillon
− Élisabeth FARINA-BERLIOZ, inspectrice d’académie – inspectrice pédagogique régionale d’histoire géographie, académie de Créteil
− Jérôme GRONDEUX, inspecteur général de l’Éducation nationale, groupe Histoire géographie (copilote du groupe)
− Axelle GUILLAUSSEAU, professeur d’histoire en classes préparatoires aux grandes écoles, lycée MICHELET, Vanves
− François HARTOG, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Paris (copilote du groupe)
− Jean-Vincent HOLEINDRE, professeur de science politique, Université Paris 2 Panthéon-Assas et directeur scientifique de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), Paris
− Solène PICHARDIE, professeur de sciences économiques et sociales, lycée Maurice UTRILLO, Stains
− Christophe QUÉVA, maître de conférences en géographie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris (copilote du groupe)
− Maude SAINTEVILLE, professeur de géographie en classes préparatoires aux grandes écoles, lycée MICHELET, Vanves.
− Florence SMITS, inspectrice générale de l’Éducation nationale, groupe Histoire géographie (copilote du groupe)
− Kevin SUTTON, maître de conférences en géographie, Université Grenoble-Alpes, Saint-Martin-d’Hères
− Pierre VERMEREN, professeur d’histoire contemporaine, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Paris

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